UN ROBOT POUR GERER LES LITS A L'HOPITAL?
Le Massachussets Institute of Technology teste un robot pour gérer les lits hospitaliers.
Voici une étude qui devrait intéresser tous les médecins et cadres de santé confrontés au casse-tête de la gestion des lits. Et si l'Intelligence Artificielle (IA) leur simplifiait la tâche? C'est la question posée par les chercheurs du Massachussets Institute of Technology (MIT) de Boston aux Etats-Unis. Ils viennent de publier le résultat d'un essai impliquant le robot NAO dans une simulation de gestion des lits d'un service hospitalier d'obstétrique.
L'étude concerne le travail de "l'infirmière-ressource". Son rôle est de répartir les patientes dans les chambres et de leur attribuer une infirmière. Seuls des professionnels expérimentés ont été inclus dans l'étude. Vont-ils se fier aux décisions prises par l'IA, peut-il y avoir un excès de confiance par dépendance à la technologie, s'interrogent les chercheurs du MIT.
Ce travail serait le premier au monde à immerger un robot d'aide à la décision dans le monde réel des professionnels de santé expérimentés.
INTRODUCTION. L'ETUDE EN VIDEO
17 médecins et infirmières, 16 femmes et 1 homme ont participé à l'étude.
Ci-dessous, 2 courtes videos de présentation, en anglais, mais le lecteur francophone peut malgré tout bien comprendre le principe de fonctionnement.
QUE FAIT LE ROBOT?
Reconnaissance vIsuelle. Le robot est capable de reconnaître l'écriture humaine. Il peut ainsi lire le tableau sur lequel sont inscrits les noms des patientes.
Reconnaissance vocale. Il comprend les questions de l'infirmière ressource, par exemple: " où dois-je placer la patiente X?
Quelles sont les motivations de l'étude?
Les auteurs anticipent l'installation de robots de service à l'hôpital. Ils remarquent que les robots sont déjà présents dans les établissements de santé. Il s'agit de robots de livraison (médicaments par exemple). Ils accomplissent des tâches fixes, programmées à l'avance. A l'avenir, il serait utile de disposer de robots intelligents et autonomes, c'est-à-dire capables de prendre des initiatives par eux-mêmes sans avoir été programmés. Or, lorsque des humains sont en contact avec des robots humanoïdes, il y a un risque d'excès de confiance avec, pour conséquence négative, des décisions inadaptées. L'exemple connu est celui de l'aéronautique où des accidents ont été rapportés par excès de confiance des pilotes dans les décisions prises par les automates.
Les auteurs nous apprennent également que les expériences déjà menées avec des systèmes d'IA totalement autonomes ont donné de mauvais résultats. En effet, les systèmes complètement automatisés provoquent une baisse de vigilance et une perte de compétence des superviseurs. En d'autres termes, en pilote automatique, on est moins vigilant et on ne sait plus piloter. C'est la raison pour laquelle la recherche actuelle s'oriente vers des systèmes mixtes, à régulation humaine, donc partiellement autonomes.
A partir de ces considérations, les chercheurs du MIT ont construit un essai qui compare robot et ordinateur, tous les 2 munis du même logiciel. L'étude consiste à comparer les réactions de soignants lorsqu'ils sont confrontés à l'un et à l'autre.
LES 2 TYPES D'ERREURS
Il existe 2 types d'erreurs dans la relation qu'un humain peut avoir avec une intelligence artificielle. Les chercheurs du MIT ont étudiés ces 2 erreurs.
ERREUR DE TYPE 1. Accepter une décision de mauvaise qualité. C'est un excès de confiance.
ERREUR DE TYPE 2. Rejeter une décision de bonne qualité. C'est une défiance excessive.
Lorsqu'un opérateur accepte des décisions de bonne qualité, on parle de compliance adaptée. Lorsque qu'un opérateur rejette des avis de mauvaise qualité, on parle de confiance adaptée.
Quelles décisions humaines ont été transformées en formules mathématiques?
L'un des intérêts de cet article est de nous donner à voir un exemple de décisions humaines transformées en formules mathématiques pour créer de l'intelligence artificielle. L'IA vue de l'intérieur, en quelque sorte.
Dans l'étude du MIT, 10 équations mathématiques ont été nécessaires pour formuler la prise de décision de l'infirmière ressource.
Tout d'abord, le modèle doit considérer les différents cas de figure auxquels est confrontée l'infirmière ressource. Trois types de patientes ont été définies: césarienne programmée, accouchement déclenché programmé, patiente non programmée.
Ensuite, vient l'action de l'infirmière-ressource : elle peut annuler, reporter ou accélérer les césariennes et les déclenchements programmés ou encore demander une prise en charge immédiate pour une patiente en travail. Elle peut également modifier les tâches assignées à une infirmière de soin ( par exemple si sa charge de travail est trop élevée).
Toutes ces actions de l'infirmière ressource sont déterminées par la charge de travail des infirmières de soin. Celle-ci est limitée à 2 patientes maximum. Pour éviter les surcharges, il est possible de restreindre à une seule patiente. Par exemple, si une patiente est à dilatation complète avec des contractions d'accouchement, elle est catégorisée comme "complète et en poussée". Le logiciel va alors bloquer la charge de travail de l'infirmière de soins qui ne s'occupera que de cette seule personne.
Il existe ainsi une équation qui permet de calculer si une infirmière est en surcharge, et de lui attribuer ou non une patiente supplémentaire.
Chaque situation possible fait donc l'objet d'une équation mathématique qui rentre dans la réalisation d'un algorithme. A chaque étape, le système recherche si la condition est remplie ou non (par exemple l'infirmière a-t-elle 2 patientes en charge, oui ou non?). En fonction de la réponse, le système prend ce que l'on appelle une décision binaire. Très simplement, il décide par oui ou par non d'aller à l'étape suivante. Par exemple, si l'infirmière a déjà 2 patientes: décision NON, pas de patiente supplémentaire. Si l'infirmière a 1 seule patiente: OUI, on peut attribuer une deuxième patiente. Et ainsi de suite pour chaque étape, jusqu'à aboutir à la décision finale. Comme nous l'avons vu dans la vidéo cette décision est du type: "Je propose de placer Mme .... dans la chambre N°... et de lui attribuer l'infimière...."
QUELS SONT LES RESULTATS DE L'ETUDE?
Les auteurs ont testé 2 hypothèses.
Hypothèse I. L'incorporation du logiciel dans un robot permet d'assister des infirmières dans la prise de décision sans créer de dépendance inadaptée aux décisions du robot.
Elle est vérifiée. En effet, les taux d'erreur sont identiques entre logiciel et robot. Ce qui veut dire que la fiabilité des 2 est équivalente. Mais les auteurs pensent que le robot améliore les performances. Il faut ici suivre leur raisonnement qui est un peu compliqué. Ils ont observé que lorsque les participants avaient été habitués à recevoir des avis de bonne qualité, ils commettaient plus d'erreur de type I avec le logiciel qu'avec le robot. Et, lorsque les participants avaient été habitués à recevoir des avis de mauvaise qualité, ils commettaient plus d'erreur de type II avec le logiciel qu'avec le robot. En d'autre terme, le robot permettait de changer ses habitudes alors qu'avec le logiciel on poursuit dans la même voie erronée. En quelque sorte, le robot aide l'humain a conserver son esprit critique.
Hypothèse II. Le robot sera subjectivement jugé plus fiable que l'ordinateur.
Cette hypothèse a été évaluée au moyen d'un questionnaire rempli à postériori par chaque participant, donc après la fin de l'étude. Les questions portaient sur la confiance et le ressenti de l'expérience. L'hypothèse a été vérifiée. En effet, les erreurs du robot ont été mieux acceptées et tolérées que celles de l'ordinateur.
INTERPRETATION DES AUTEURS
Pour les auteurs, l'étude constitue le premier succès d'essai d'un robot d'assistance pour infirmière ressource. Le support de décision étudié a été capable de produire des propositions raisonnables. Le robot est aussi fiable que l'ordinateur mais il apporte plus d'efficacité. Ils estiment avoir prouvé que des professionnels experimentés qui accomplissent des tâches avec des robots sont moins sujets aux effets négatifs de confiance excessive.
CONCLUSION
Qu'avons-nous appris à la lecture de cet article?
Tout d'abord, nous avons pris connaissance d'un exemple concret d'IA médicale commercialisable rapidement. L'étude du MIT pourrait déboucher sur l'arrivée prochaine de robots humanoïdes assistant l'organisation des soins. Ces robots seraient dotés d'une reconnaissance visuelle qui leur permettrait de lire des tableaux de gestion, de rechercher une chambre libre pour les malades hospitalisés et de leur attribuer une infirmière.
Nous avons également appris que la forme de la présentation commerciale de l'intelligence artificielle est sujette à débat. Le système d'IA doit-il être utilisé à partir d'un ordinateur comme tout logiciel ou doit-il être incorporé à un robot humanoïde pour lui donner l'aspect d'un être doué de raison? La réponse serait en faveur de l'incorporation mais uniquement pour des personnels expérimentés. Les sujets inexpérimentés professionnellement seraient trop sujets à un excès de confiance dans le robot. Il est manifestement nécessaire de bien connaître son métier pour utiliser l'IA.
SOURCE
http://people.csail.mit.edu/gombolay/Publications/Gombolay_RSS_2016.pdf
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